Les pieds sur terre la tête dans les étoiles

Les pieds sur terre la tête dans les étoiles

lundi 3 septembre 2012

Uhtred





"Je ne suis pas chrétien. Aujourd'hui, il ne fait pas bon déclarer cela, car évêques et abbés ont trop d'influence, et il est plus facile de feindre la foi que de combattre la colère. J'avais été élevé en chrétien, mais à dix ans, dans la famille de Ragnar, j'avais découvert les anciens Dieux saxons qui étaient aussi ceux des Danes et des Norses. Et leur culte m'a toujours paru plus sensé que m'incliner devant un dieu venu d'une contrée si lointaine que je n'ai jamais rencontré personne qui y soit allé. Thor et Odin foulaient nos collines, dormaient en nos vallées, aimaient nos femmes et buvaient l'eau de nos rivières; cela faisaient d'eux des voisins familiers. Et puis nos Dieux ne sont pas obsédés par les hommes. Ils ont leurs propres querelles et histoires d'amour et semblent ne nous prêter aucune attention la plupart du temps, alors que le dieu chrétien n'a rien de mieux à faire qu'édicter des lois. Des lois, encore des lois, des interdictions et des commandements, et il a besoin de centaines de prêtres en robe noire et de moines qui s'assurent que l'on y obéit. Pour moi c'est un dieu fort grincheux, même si ses prêtres prétendent constamment qu'il nous aime. Je n'ai jamais été assez sot pour croire que Thor, Odin ou Hoder m'aimaient, bien que j'espère parfois qu'ils m'aient jugé digne d'eux."

Cette citation est tirée de la saga saxonne de Bernard Cornwell que je dévore en ce moment. J'ai mis un peu de temps à me lancer, c'est sûr que "Best seller international" écrit sur la couverture ça freine toujours un peu... mais après quelques pages il m'a bien fallu reconnaître que l'anglois est un habile conteur, et son récit n'a rien à envier à l'excellente Route des cygnes de feu René Hardy. On se laisse porter par ce roman sur l'Angleterre du IXème avec grand plaisir en compagnie d'Uhtred de Bebbanburg qui poursuit sa quête pour retrouver son domaine perdu. Mais la route est longue et les ennemis nombreux, qu'ils soient guerriers danes ou saxons, sans oublier les ecclésiastiques, en règle générale dépeints comme de petites fouines malfaisantes dont il n'est point aisé de se débarrasser.

Bref, c'est sans aucune prétention mais ça fait du bien. 


mardi 17 avril 2012

Même la terre danse

Ces jours passés, la semaine sainte qu’ils appellent ça… faut croire que dans leur désert aride il y a une faille, une anfractuosité dirait l’autre, car vraiment, pour une fois, le nom n’est pas usurpé.


Instant magique que celui où les chênes, hier encore morts et noirs, pétrifiés dans la glaise, se réveillent jeunes Dieux rieurs. Alentour dame Nature sert le déjeuner et sous le soleil apparaissent rosettes de lampsanes, ails des ours et orpins… 


L’hiver est fini, et avec lui la tourbe et le vent mauvais ! Vert et blanc le paysage, et sur l’horizon irlandais chahutent les génisses. Les jeunes géantes se bousculent en riant dans l’herbe grasse et avec elles, au printemps, même la terre danse ! 

lundi 6 février 2012

Gaston, l’Ours et autres considérations


La fin du Vème siècle et le début du VIème constitue une période charnière dans la lutte à mort entreprise par la secte contre nos Dieux. En 494 le pape Gélase Ier interdit de fêter les Lupercales à Rome et institue en remplacement la "fête" d'un certain Valentin, dont l’origine est bien incertaine mais dont la symbolique reprend précisément celle d’Imbolc, puisque ce dernier aurait rendu la vue à la fille Julia (c'est-à-dire Jul, le soleil) de son geôlier peu avant le 14 février… pour que tout soit bien clair dans l’esprit de nos ancêtres qui pouvaient encore avoir des remords à délaisser nos vieux Dieux pour ce nouveau venu, il est dit que la belle planta alors un amandier qui est l’arbre fruitier à la floraison la plus précoce… peu après Imbolc donc. Pourquoi hésiter? Et les hommes noirs faisaient l’article de leur credo, répétant ad nauseam que Valentin c’était les Lupercales plus la foi… aucune raison de ne pas plonger donc.
L’église avait en effet changé de stratégie et reconnaissait le danger du combat frontal. Le peuple et les nobles (car on oublie bien souvent, et ce n’est sans doute pas an-odin, focalisé sur l’étymologie paganus/paysans que c’est dans les classes supérieurs que l’on trouva nombre des tenants de l’ancienne foi les plus combatifs et les plus décidés parmi les familles les plus vieilles et les plus estimées) avaient bien résisté à ces énergumènes fanatisés et le coup de force engagé par les sectateurs haineux étaient bien près d’échouer. C’est donc à une vaste entreprise de récupération que se livra alors l’Eglise, christianisant ce qu’elle ne pouvait extirper. En force révolutionnaire, et désireuse de saper l’autorité, elle avait compris la faiblesse intrinsèque du conservateur, son attachement aux apparences et sa posture défensive, car ils sont rares les hommes qui connaissent le prix du sang et de l’intemporalité.

Le contemporain "Saint" Gaston (aussi appelé Vaast, c'est-à-dire "l’étranger"… tout un programme) participe du même phénomène. Fêté par l’église le 06 février, son culte est aussi lié à Imbolc. Guérissant les aveugles de son vivant puis ceux qui l’honorèrent ensuite, il annonce - le symbolisme est limpide - également le retour de la lumière. Non content d’initier Clovis aux "mystères de la Foi" il est également celui qui rechristianisa le nord de la Gaule où la greffe n’avait pas pris… et, l’histoire est compréhensible par le vulgaire à l’époque, il est dit qu’il trouva un Ours là où se tenait autrefois une église et qu’il le chassa. L’Ours étant bien sûr le paganisme en sa toute puissance et le début de février l’heure où le roi des animaux, et partant de là, la clé de voûte de la religiosité européenne, sort de sa tanière.

La victoire contre l’Ours, c'est-à-dire nous, est un thème classique de l’hagiographie et des manuscrits religieux médiévaux. Rien n’est épargné à ce seigneur et ce n’est pas un hasard sans doute si "Saint" Martin le célèbre évangélisateur des Gaules lui est également relié ("Fête" le 11 novembre et 13 novembre pour "Saint" Brice son successeur, date de l’entrée en hibernation du seigneur animal, et étymologiquement si l’on rapproche en règle générale Martin de Mars, on ne peut ignorer que Martin peut également provenir de Matugenos… "né de l’Ours").

Souvent il faut remettre l’ouvrage et les campagnes d’évangélisations (c'est-à-dire de profanations de sites sacrés, de meurtres de sages païens, de battues aux fauves, d'abattage d’arbres remarquables, de sermons et d'anathèmes lancés au petit peuple) se succédèrent des siècles durant (ce qui est un bon indice de la survivance tardive d’une "foi" païenne d’envergure sous nos latitudes). 



Après "Saint" Martin, puis "Saint" Gaston, c’est "Saint" Colomban cent ans plus tard qui terrorise l’Ours près de LaVoivre… vous ferez là le rapprochement (on notera au passage que Colomban a un homonyme : Colomba d’Iona qui à la même époque convertit les mécréants britanniques. Ici encore une curieuse coïncidence car si «yona» signifie colombe en hébreu et si «dove» désigne précisément la colombe sur l’île d’Albion, on ne sera pas étonné d’apprendre que c’est ainsi que l’on nomme l’Ours en hébreu…). On pourrait continuer comme ça presque à l’infinie avec les dompteurs d’Ours comme "Saint" Gall, "Saint" Blaise, "Saint" Bernard (c'est-à-dire le Grand Ours) dont les parents eurent sept enfants (le nombre d'étoiles de la constellation de l’Ourse), ou encore, il y a deux cents ans, "Saint" Séraphim dans la main duquel venaient manger les ours… mais nous arrêterons là. C’est pas mal pour un lundi. Non?

Quelques lectures utiles:
Michel Pastoureau: L’ours, histoire d’un roi déchu
Philippe Walter: Arthur, l’ours et le roi ainsi que Mythologie chrétienne
Ramsay Mac Mullen: Christianisme et paganisme du IV au VIIIème siècle

lundi 31 octobre 2011

Ors et feux sur l'horizon






L'automne est une saison si belle. Dame Nature a les seins lourds de celle qui vient d'enfanter. C'est à peine si l'on pense à l'hiver, la bouche emplie de lait et de miel.
C'est le festin de la fin de l'été, même nos morts reviennent et trinquent avec nous!
Cette dernière journée de l'année est magnifique. Brume et soleil! L'astre de vie se rappelle au bon souvenir de nos ancêtres, et là haut passent les grues qui nous saluent une dernière fois.






Nous sommes, je le crois, prêts pour la longue nuit et l'espérance de notre monde renouvelé. A la maison, les bouteilles de jus de pommes et de raisins s'alignent à côté des conserves de sauce tomate, de courgettes, ou de viandes. C'est que, Dame, notre salut est ici est nulle part ailleurs. Nous ne partons jamais en voyage la bourse vide en nous en remettant à nos Dieux. Même pour le dernier sommeil nous emportons nos armes et nos outils. Nous voulons vivre libres, et s'abandonner n'est bon que pour les esclaves!


Les arbres sont si beaux. Ors et feux sur l'horizon! Tournent les étoiles, meurent nos ennemis, nos coeurs eux brillent à jamais. La flamme de ceux qui ne corrompent point leur sang brûle en notre sein. Ce soir, avec vous qui ne nous avez quittés que pour mieux nous guider, elle éclairera notre repas et nous réchauffera tous.